LES ORIGINES DU PHENOMENE DE MOTO-TAXIS



L’émergence de l’activité des motos-taxis ont été favorisées au Cameroun par des causes plurielles, à la fois structurelles et conjoncturelles.

Faisant une cartographie de l’historique du phénomène des motos-taxis au Cameroun, une équipe de géographes [Kaffo, Kamdem, Tatsabong, 2012] a montré que c’est par le Grand Nord (Extrême Nord, Nord et Adamaoua) que la moto a essaimé l’espace des transports au Cameroun. Dans cette zone septentrionale, la contrebande et la porosité de la longue frontière avec le Nigeria ont favorisé l’importation des motos assemblées dans ce pays. Depuis les années 1980, à la faveur de leur proximité avec le Nigeria, les villes de Maroua, Garoua et Ngaoundéré se sont positionnées comme les premiers foyers des motos-taxis au Cameroun. La porosité des frontières entre le Cameroun septentrional et le Nigeria reste d’actualité. Les populations de cette région du pays ont gardé jusqu’ici la possibilité d’importer, sans contraintes de douanes majeures, des motos assemblées au Nigeria. Ces villes en comptent aujourd’hui chacune des dizaines de milliers en activité quotidienne. Après le septentrion, la région de l’Est, notamment les villes de Bertoua, Batouri et Yokadouma ont joué le rôle de deuxième foyer des motos-taxis au Cameroun. Ce n’est que dans les années 1990 que la région du littoral, la ville de Douala notamment, dans un contexte de crise sociopolitique, s’est positionnée comme troisième foyer d’émergence des motos-taxis. Cette dernière décennie a vu l’extension rapide du phénomène dans les régions du Centre (Yaoundé), de l’Ouest (Bafoussam, Mbouda, Dschang) et du Nord-Ouest (Bamenda).


Dans les villes comme Douala, compte tenu des brutalités orchestrées par les phénomènes des « villes mortes », qui ont contribuées à paralyser l’économie nationale pendant six mois les taxis et les bus de la Société de transports urbains au Cameroun (SOTUC) qui avaient jusque-là assuré le transport quotidien, n’avaient plus le droit de circuler les jours ouvrables (lundi à vendredi). Seules les motos pouvaient circuler librement. Les personnes qui possédaient ce capital privilégié circulaient, et pouvaient transporter un collègue ou un parent sur le chemin du service. Ensuite, compte tenu de la forte demande de transport, les propriétaires ont commencé à céder leur moto à un « frère » qui pouvait continuer à travailler dans la journée contre quelques pièces d’argent. Après la longue période des « villes mortes », l’activité naissante s’est déplacée dans les carrefours des quartiers populaires non desservis par les taxis traditionnels. Au milieu des années 1990, dans la ville de Douala, on pouvait localiser ces benskineurs à l’entrée des quartiers périphériques comme Bépanda, Bonabéri, PK8, Mabanda, etc. La moto a ainsi commencé à s’imposer comme un moyen rapide d’accès aux quartiers enclavés.